"En 1880, le Soudan est sous la domination d´une coalition turco-égypto-anglaise. Les marchands d´esclaves contrôlent les régions de capture au Sud. En 1881, Muhammad Ahmad Abd Allah se proclame Mahdi (c´est-à-dire imam caché, ou messie, dans la tradition musulmane) et invité les tribus soudanaises au Djihad. Le Mahdi et ses troupes s´emparent de Khartoum en janvier 1885 et tuent le gouverneur anglais, le général Gordon. Le 28 février de la même année, James Darmesteter prononce une conférence qui commence de la façon suivante : "" Je vous dois, pour commencer, un aveu loyal. Si vous êtes venus ici dans l´espérance de remporter de l´inédit sur le prophète du Soudan, je crains que vous ne quittiez cette salle quelque peu déçus. [...] Heureusement, dans ce monde, et surtout dans le monde musulman, l´histoire se répète si étrangement que vous raconter les aventures des Mahdis d´autrefois, c´est déjà vous faire par avance l´histoire du Mahdi d´aujourd´hui, son histoire passée, présente et future. Vous savez, en effet, que le prophète d´aujourd´hui n´est point le premier de son espèce, pas plus qu´il n´en sera le dernier. [...] On à attendu le Mahdi dès les premiers jours de l´´Islam et il y aura des Mahdis tant qu´il y aura un musulman. Nous remonterons donc, si vous le permettez bien, du 28 février de l´an de : grace 1885 - du 13 djoumada l´oula de l´année 1302 de l´hégire - à l´an 622 de notre ère, à l´an I de l´ère musulmane. "" La conférence de Darmesteter constitue ainsi un fil directeur pour une approche raisonnée et savante des rapports consubstantiels, tissés depuis toujours dans la tradition islamique, entre Religion et Politique. Au-delà d´une réflexion sur la question du messianisme politico-religieux et sur ses conséquences dans l´histoire, aussi bien révolue que contemporaine, c´est à une méditation sur l´eschatologie musulmane que ce texte convie. Frère du linguiste Arsène Darmesteter, James Darmesteter, (Chateau-Salins 1849-Maisons-Laffitte 1894), étudie le sanscrit sous la direction d´Hauvette-Besnault, un des derniers élèves d´Eugène Burnouf et la grammaire comparée auprès de Michel Bréal à l´École des Hautes Études dont il devient directeur en 1892. Sous l´impulsion de Bréal, il se spécialise dans l´étude de l´iranien ancien qu´il professe au Collège de France où il est nommé, en 1885, à la chaire de langue et de littérature perse. On lui doit notamment une traduction qui fait autorité du livre sacré des vieux Persans, le Zend-Avesta, et de nombreuses études sur les religions de l´Iran ancien. En 1882, il avait succédé à Renan au Secrétariat de la Société asiatique, poste qu´il conservera jusqu´à la fin de sa vie. On lui doit les derniers remarquables rapports annuels sur l´activité de la Société contenant un tableau de la production orientaliste française."
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