Décembre 1972. Soukaïna à neuf ans et comme toutes les petites filles de son age, elle attend avec impatience les fêtes de Noël. Les grands s´agitent. La petite Soukaïna s´amuse du nombre de gardes, de la taille des voitures blindées. Le 23 décembre, des dizaines de policiers ont en effet débarqué soudainement dans la somptueuse villa familiale. Ordre du roi : il faut mettre la famille Oufkir àl´abri. À l´abri ? Oui, le peuple pourrait demander vengeance à l´encontre des familiers du général Oufkir, ministre de l´Intérieur de Hassan II, qui vient de participer à un attentat contre sa majesté. Pour les Oufkir, c´est le début d´une longue descente aux enfers. La famille est mise au secret alors que le père se suicide... de cinq balles dans le dos. Pendant vingt ans, neuf innocents - Soukaïna, sa mère Fatéma, ses deux frères, ses trois grandes sœurs, une cousine du côté maternel et la nounou du petit dernier qui à à peine deux ans et demi - sombrent dans l´oubli des geôles marocaines. Pendant vingt ans, ceux qui faisaient partie d´une des plus grandes familles marocaines, du premier cercle royal, découvrent l´isolement complet, la faim, les humiliations incessantes. Pour Soukaïna, les repères d´une enfance choyée ont brutalement disparu. C´est, malgré tout, le temps de l´insouciance, le temps des jeux. Les petits jouent avec les crapauds, les scorpions, les araignées. Des pigeons deviennent de tendres compagnons de cellule. On joue aux autos tamponneuses avec les lits en fer. L´oreille collée au Pop Club de José Artur, la petite fille rêve d´être chanteuse. Quant aux grands, ils prennent la peine, à l´occasion de chaque fête nationale ou religieuse, d´envoyer une lettre au roi afin de demander grace. Il n´y aura jamais la moindre réponse. C´est finalement le cri d´alarme des enfants Oufkir ayant réussi à s´évader, en creusant pendant des mois un tunnel à la main, qui contraint le roi à troquer le bagne contre une résidence surveillée. Ce n´est qu´en 1996 que les Oufkir retrouvent pleinement leur liberté. Soukaïna à trente-trois ans. D´une écriture alerte et intense, Soukaïna Oufkir raconte avec tendresse et autodérision comment, à l´ombre de la rancune et du chatiment éternels, une petite fille est devenue une jeune femme digne et combative.
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