Si la littérature d´aujourd´hui nous apparaît parfois trop tournée vers elle-même, insuffisamment oxygénée par l´air du dehors, peu irriguée par les courants de la vie ... alors, qu´on se retourne vers ces écrivains qui, hier encore, savaient nous offrir des livres dont on entendait à chaque page battre le cœur ! Visages (1960), l´un des plus célèbres recueils de nouvelles d´Ivo Andrié, prix Nobel de littérature en 1961, était resté inexplicablement inédit en français jusqu´à ce jour (six seulement, parmi les vingt et un récits que rassemble l´ouvrage, avaient été traduits). Et pourtant c´est dans ce registre peut-être qu´Andrié, donne son meilleur: au point d´égaler parfois Tchekhov conteur. Lui-même était conscient d´avoir composé là - avec grand soin - un florilège où se trouveraient mises en valeur toutes les facettes de son art. Soit un « portrait» kaléidoscopique, formidablement vivant, de la Bosnie d´hier - telle en tout cas qu´elle perdura jusqu´à la dernière Guerre mondiale: une contrée encore protégée par ses montagnes, rudement agreste, et d´esprit profondément balkanique, c´est-à-dire tout ensemble ensauvagé, généreux et insoumis. Le texte intitulé « Visages », qui donne son titre au recueil, dit assez que, par-delà les violences et les absurdités de l´Histoire, c´est le grand mystère de la face humaine que l´écrivain interroge d´abord ici, où joies et soufFrances ont tracé, ont creusé ces mille hiéroglyphes qui épellent en silence la langue du destin et que nous n´aurons jamais fini de déchiffrer.
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