Joha et les pommes

Avec Joha et les pommes, Ahmed Tayeb El Alj radicalise le modèle immémorial de la Comédie de la ruse en faisant de Joha (lui-même personnage archétypal de malin) un candidat à la farce des élections, fourbe splendide et virtuose, rétif à toute forme de récupération et même de morale. Ce faisant, il nous pose certes des questions urgentes sur la possible disparition de toute aspiration éthique, mais réussit surtout ce mariage de l´humour le plus ancien - celui qui tient à l´observation des travers des hommes - et du commentaire sur l´actualité que seule permet la grande Comédie. Des Grecs et des Latins en passant par Shakespeare, Molière, Beaumarchais et quelques autres, mais aussi des esprits les plus audacieux et les plus insolents de la littérature arabe comme Hamadhani, Hariri ou Jahiz en passant par l´immense chaîne anonyme des conteurs populaires, et jusqu´à nous, le grand rire libérateur à l´œuvre dans Joha et les pommes prouve une fois de plus que la liberté de l´esprit n´a de frontières ni dans le temps ni dans l´espace et que c´est là, dans l´exercice de cet esprit critique qui sait toucher les hommes assemblés dans les théatres ou autour des bateleurs, que se perpétue une forme précieuse de dignité humaine.