"Tout homme dévoué à son pays doit payer à sa patrie son tribut de patriotisme : en lui disant tout ce qu’il croit, en sa conscience, être la vérité». (Sully).
Pourquoi dévoiler et tourmenter la plaie qui, pendant quarante ans, a défiguré cette France roman- tique qui nous reste si justement fraternelle ? C’était, semblait-il, un pieux mensonge par omission qui ne faisait de mal à personne et nous dispensait de remâcher notre honte.
Nous sommes tous solidaires, et, dans la mesure de notre consentement, responsables ou complices de ce qui se fait au nom de la France. J’essayais de me persuader qu’une réprobation unanime ou quelque sursaut de lucidité inciteraient nos Maîtres à dominer les prétentions qui les mènent et à clore une entreprise si évidemment contraire aux intérêts de leur patrie.
Cependant, ils s’obstinent depuis six ans dans une guerre chaque jour plus féroce. Notre silence ne devient entre leurs mains qu’une arme de plus pour défigurer, à son tour, le peuple français du 20e siècle, humilier le peuple algérien, les mener tous deux aux mêmes désastres et châtier les patriotes qui s’y opposent. Quand le scrupule tourne à la complicité, et les pieuses omissions aux conspirations du mensonge, il n’est plus de recours que dans la vérité, aussi amère, aussi scandaleuse qu’elle puisse être.