Les raisons de leur amitié préexistaient à leur rencontre. Yacine, comme Omar Chaalal dit Le Tigre, avait connu les vents glacés des hautes plaines de Sétif et des contreforts des monts des Babors. L´hiver arrivait comme une calamité et pour la plupart des familles, même citadines, le pain manquait souvent et la faim, la faim sous le froid coupant obsédait l´esprit des enfants. Régulièrement, la misère jetait des dizaines de familles paysannes sur les routes de l´exode et de la mendicité. Sur ces terres à blé et sur ces montagnes d´oliviers fraternels les hommes avaient les mains rudes et les femmes l´art de faire manger d´un rien. Et si Yacine et Le Tigre avaient moins connu la faim que leurs contemporains rien ne pouvait effacer de leur mémoire profonde le spectacle des enfants quasiment nus aux seuils des portes à espérer quelque nourriture. Dans ce dénuement extrême des gerçures brûlantes, il ne reste d´humain que le regard vide et interrogateur. Malgré leur seize ans de différence ils souffrirent des mêmes spectacles. Là réside le premier secret des engagements de Yacine et de son amitié avec Chaalal.
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