Comment parler dans la bouche de l´étranger? L´ombre de cette bouche entoure notre langue et celle-ci s´inquiète de cet enveloppement inconnu. Elle cherche à saisir un double qu´elle ne trouve pas. Elle voudrait articuler cette présence obscure où elle sent la proximité de l´Autre. Et plus elle échoue à le faire plus elle à la révélation de l´altérité. La traduction met en œuvre cette distance et cette approche: quelque chose s´esquisse dans son mouvement, une chose qui est de la ressemblance et qui nous entraîne si bien que nous y reconnaissons une parole antérieure à la séparation, et finalement plus fraternelle qu´étrangère. Ainsi, chaque fois que j´écoute un poète arabe - et Chawki Abdelamir en particulier - j´entends le chant même de la langue humaine dans toute son expressivité, ce qui provoque en moi un emportement assez vif pour me faire oublier l´incompréhension. Mais ensuite, passant à la traduction nécessaire, vient un désespoir quand la situation s´inverse avec l´accès au sens et la privation de ce qui primait d´abord: cette sonorité libre dans son ampleur. à l´écoute, la poésie était originelle et proclamée, la voilà qui sautille sur la page avec une timidité précautionneuse tandis que le traducteur cherche des raccourcis, des chocs de syllabes, des angles verbaux susceptibles de marquer le rythme et d´intensifier la signification. Aucune issue dans l´imitation, encore moins dans l´homophonie: chaque langue doit en somme parler sa langue quitte
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