À défaut de tout clergé, l'Islam devait dès ses premiers siècles voir apparaître en son sein une multitude d'écoles de pensée disposant chacune de sa propre interprétation de la Charia (droit religieux). Mais à l'image du concile de Nicée qui fit de l'Église catholique l'unique représentante de la Chrétienté, les califes abbassides, eux aussi désireux de réduire les divergences doctrinales en terre d'Islam, allaient à partir du Xe siècle tout mettre en œuvre pour provoquer un consensus religieux (idjma') mettant un terme au libre examen des Écritures. Ce consensus ne se manifesta cependant pas sans de fortes oppositions : à l'image des églises minoritaires qui s'étaient démarquées du concile de Nicée avant d'être savamment réduites au silence par le Catholicisme, nombre de penseurs musulmans allaient courageusement, ici et là en terre d'Islam et parfois même au prix de leurs vies, s'élever contre le conformisme (taqlîd) : en Andalousie tout d'abord avec le traditionniste Ibn Hazm (m. 1064), le cadi-philosophe Ibn Rochd / Averroès (m. 1198) et le mystique Ibn 'Arabî (m. 1240); puis en Syrie à travers les puristes Ibn Taymiyya (m. 1328) et Ibn al-Qayyim; les juristes Ibn al-Humam (m. 1457) et al-Suyûtî (m. 1505) en Égypte… etc. Ayant toutefois été étouffée sous le poids de l'orthodoxie, la voix de ces penseurs hors pair de l'Islam ne se fit pas suffisamment entendre et leurs idées faillirent sombrer dans l'oubli. Il aura fallu, pour éviter cela, l'avènement, à partir du XIXe siècle, du courant réformiste de la Nahda dont les adeptes s'employèrent à réhabiliter les thèses des réformateurs médiévaux avant d'en faire le fondement doctrinal de leur projet « d'Éveil » ou « Renaissance » du monde arabo-musulman.
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