"Ils l´appellent Oum ed-dounia, la Mère du monde. Ils l´appellent al Qahira, la triomphante. Ils l´appellent Misr, du nom arabe de l´Égypte elle-même. Tous les noms dont les Égyptiens désignent Le Caire accroissent encore sa démesure. On nomme Le Caire cité des mille minarets, mais le ciel du Caire, l´acier et le verre des buildings se mêlent aux flèches sacrées des mosquées. On nomme Le Caire le plus grand village du monde, mais le troupeau de moutons qu´on mène jusqu´au Nil attend indéfiniment aux passages cloutés et bêle parmi les klaxons. Le Caire ploie sous ses douze millions de fils. Ils sont fonctionnaires le matin et chauffeurs de taxi l´après-midi. Ils habitent jusque sous les escaliers et jusque sur les toits. Ils débordent de leurs universités et de leurs mosquées. Mais la pénurie de denrées sera demain, dans les journaux, l´occasion d´une caricature, et l´explosion d´un égout, le prétexte à de corrosives plaisanteries. Car, si les Égyptiens savent la colère, leur réponse favorite à l´adversité réside plutôt dans cet humour inaltérable qui court de balcon en terrasse. Comme si, regardant leur cité superbe toujours au bord de l´éclatement, ils semblaient dire de la Mère du monde : "" Et pourtant elle tourne... """
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