La littérature arabe ancienne, celle qui date d´avant la « renaissance » et l´introduction du genre romanesque, forme la part la plus caractéristique et la plus originale de cette civilisation. Son volume est considérable et son impact encore mal mesuré. Elle s´étend, dans le temps, sur plus de douze siècles (VIe-XVIIIe s.) et entretient, par sa position géographique, depuis l´Egypte et le Proche-Orient, berceau du judaïsme et du christianisme, depuis l´Inde et la Perse, via l´Andalousie, la Sicile, l´Italie et le domaine turc, des liens étroits avec les littératures de l´ensemble du bassin méditerranéen et même du vieux monde. Il n´existe pourtant, en langue française, aucune histoire ou anthologie satisfaisantes de cette littérature. À l´exception des fameuses Nuits, qui ne sont que la partie émergée de l´iceberg, il y à en effet, aujourd´hui, très peu de documents de ce type facilement accessibles au lectorat français. Il y eut cependant un moment, en France, où l´on était mieux équipé , lorsque quelques chercheurs « orientalistes » ou arabisants, au début du XXe siècle, entraînés par le mouvement des philologues et folkloristes européens, commencèrent à s´intéresser aux traditions narratives arabes, dans leur ensemble. Leur travail nécessitait une solide érudition. Il s´agissait, non seulement de fournir au public français des textes d´origine arabe, mais aussi, sous forme de notes savantes, les sources de ces textes et leurs avatars éventuels, c´est-à-dire les œuvres apparentées en circulation dans d´autres cultures et d´autres langues. Une sorte de littérature comparée, avant l´heure, était en train de se former. Voici enfn rééditée la somme de René Basset. Avec 976 récits différents en deux volumes et quelque 1300 pages, cette anthologie prend l´allure d´une immense revue des traditions narratives arabes, surtout que, selon les usages de l´époque, des notes critiques comparatives, fort précieuses et toujours d´actualité, accompagnent chaque récit. En outre, avec plus de mille références bibliographiques, dont certaines sont aujourd´hui inaccessibles ou très difficile d´accès, elle fait figure de source première. Elle est à la fois, d´un point de vue scientifique, indispensable à la connaissance de cette littérature et, d´un point de vue littéraire, fort bien structurée et agréable à lire. La présentation originale de René Basset était succincte, Aboubakr Chraïbi, maître de conférences à l´Inalco à été chargé d´éditer et d´introduire l´ensemble , il s´est notamment entouré de Claude Brémont, d´Ulrich Marzolph (qui dirige la monumentale Enzyklopädie des Märchens en 14 volumes dont 11 sont déjà édités) et de Guy Basset (petit-fils de René) afin que l´ensemble soit totalement actualisé (table de concordance des contes, bibliographies mises à jour, correspondance de René Basset, etc.).