Mère, je vous le répète, vous n´avez aucune raison de vous inquiéter. Il est vrai que je sens souvent en moi une tristesse et une amertume profondes qui accablent mon cœur. Une sorte de désespoir têtu que je sens parfois se retourner en moi. Mais il n´y à pas là de quoi vous inquiéter, mère, Car depuis le temps, ces choses sont devenues naturelles dans notre vie à tous. Nous sommes une génération perdue, mère. Une génération définitivement endeuillée. Les longues années d´humiliation que nous avons vécues sont un terrain fertile pour la douleur et la tristesse. Elles ne peuvent pas se résorber subitement en une aube rayonnante qui dissiperait les ténèbres de notre accablement. Jour après jour, l´ennemi qui persiste dans son orgueil et son arrogance sans que nous puissions laver notre honte, nous fait vivre dans un sentiment d´impuissance qui finit par tuer nos rêves et nos espérances. Si nous ne réagissions pas devant les événements que nous vivons, nous serions plus semblables aux morts qu´aux vivants.(...) C´est notre destin, et c´est aussi notre chatiment. Nous avons tissé nous-mêmes notre défaite par nos disputes, nos badinages et notre futilité... et la punition est tombée. Se pourrait-il que notre malheur actuel soit pour nous une purification nécessaire par laquelle nous pourrions nous laver de nos impudences passées? Mère, ne soyez pas triste. Nos interminables peines vont bientôt s´évanouir, j´en suis sûr. Et il sortira des nuages de poussière amoncelés, un géant portant notre libération dans ses mains.
Rédigez votre propre commentaire