Né à Blois en 1886 et enterré au Caire sous le nom d'Abd el-Wâhed Yahiâ en 1951, René Guénon est l'homme par qui le scandale arrive. Il dénonce la décadence de l'Occident moderne, fruit d'une lente dégénérescence de son héritage métaphysique et se tourne, au grand dam des catholiques, vers l'Orient devenu, selon lui, le refuge ultime de la "Tradition". Cette dernière notion, centrale chez Guénon, élève toutes les traditions religieuses de l'humanité au même niveau de transcendance tout en reconnaissant à chacune d'entre elles sa dimension spirituelle spécifique. Un point de vue tout simplement révolutionnaire dans les années 30. Dès lors, il appartient à l'individu de se déterminer spirituellement par un processus de connaissance graduée qui dépasse largement le seul exercice d'un rite religieux. C'est la voie ésotérique par essence, qui suscitera l'émergence à travers le monde (Europe, Etats-Unis, Russie, etc) d'innombrables"chapelles" initiatiques se réclamant de Guénon, avec notamment les groupes soufis dirigés par Schuon, Vâlsan ou Pallavicini. Chose frappante, un lien inextricable s'est peu à peu tissé entre cette perspective ésotérique et l'horizon politique. En témoignent la "spiritualité héroïque" de Julius Evola dans l'Italie des années trente mais aussi les résonances guénoniennes qu'on découvre dans l'engagement politique de Simone Weil ou de Carl Schmitt. Parallèlement à l'activité des revues Le Voile d'Isis/Etudes Traditionnelles, les apports de Mircea Eliade, d'Henry Corbin ou de Raymond Abellio achèvent de perpétuer le rayonnement guénonien, si controversé soit-il. Cette mise en perspective monumentale de l'oeuvre de René Guénon révèle, de manière décisive, une figure cardinale du XXe siècle et dévoile l'étendue de son rôle dans la construction de la pensée occidentale moderne.
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