"Ecrit au Xe siècle, le Traité de soufisme de Kalâbâdhî est l´un des plus anciens. Eminente autorité spirituelle, l´auteur jette un pont entre l´orthodoxie et la mystique, devenues inconciliables après la condamnation et l´exécution de Hallâj à Bagdad. Il articule les sentences des premiers Maîtres du grand âge (Junayd, Dhû-l-Nûn Misrî, Râbi´a, Bistâmî, Nûrî, Chiblî...) aux versets coraniques et aux dits de la Tradition. Bien plus que biographe ou compilateur, l´auteur, grand initié lui-même, éclaire les stations et les demeures de la Voie, témoignant ainsi de son expérience spirituelle. Le plan suivi par l´auteur est clair et logique : Un préambule et une entrée en matière définissant ce qu´est le soufi, puis une énumération des soufis les plus connus (chap. 1 à 4 ). Par des considérations linguistiques, Kalâbâdhî rattache le mot soufi aux notions de pureté (safâ´) et d´élection (safwa), et ceci lui permet de justifier l´appellation de soufis pour les Compagnons du Prophète. Inversement, les soufis seront désignés par les hagiographes, tels que Abû Nu´aym ( 420/1038) et Ibn al-Jawzî ( 597/1200), comme ""les purs"" et ""les hommes de l´élection divine"". Une profession de foi détaillée, conforme à l´enseignement de l´islam majoritaire (chap. 5 à 30). Les définitions des termes utilisés conventionnellement par les soufis pour désigner leurs états spirituels et leurs expériences intérieures (chap. 51 à 63). Leur comportement, et les charismes dont ils peuvent être l´objet de la part de Dieu. Un dernier chapitre, en relation avec l´expérience extatique, est consacré à ""l´audition spirituelle"" (samâ´) et aux opinions des maîtres à son sujet (chap. 64 à 75). La raison principale de l´estime dans laquelle à été tenu le Traité de soufisme de Kalâbâdhî jusqu´à nos jours est sans doute la présence, dans le premier tiers de l´ouvrage, d´une véritable profession de foi. Cet exposé très détaillé des options de foi des soufis montre en effet leur parfait accord avec l´enseignement de la Loi et les principes fondamentaux de l´Islam, basés sur le Coran et la Tradition du Prophète. Le soufisme tel que le définit Kalâbâdhî apparaît donc comme un prolongement normal de la vie religieuse au sein de l´Islam majoritaire, et non pas comme situé en dehors de lui ou en contradiction avec la Loi. Sans ce livre, nous ne connaîtrions pas vraiment le soufisme, disait Suhrawardi. "
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